Affaire Chlordécone : Un Scandale

15 ans,  après le dépôt des plaintes, les parties civiles sont convoquées, les 20 et 21 janvier, par la Cour d’Appel de Paris, pour être auditionnées. Ces audiences se tiendront le 20 janvier prochain, par visio-conférence, en raison de la situation sanitaire pour les associations de Martinique et le 21 pour celles de Guadeloupe.
Il s’agira pour l’heure d’une audition pour préciser le fondement et la cible de leurs plaintes pour empoisonnement déposée il y a 15 ans.

Trois associations de Martinique et quatre de Guadeloupe ont été auditionnées mercredi 21 et jeudi 22Janvier 2021, en visio-conférence par deux juges d’instruction du pôle santé du TGI de Paris, 14 ans après le dépôt de leur plainte pour «mise en danger de la vie d’autrui».

En 2006, elles avaient déposé plainte  contre l’empoisonnement de leur île au chlordécone, un pesticide interdit en France dès 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu’en 1993.
Aujourd’hui selon Santé publique France, les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Plus des 92% des Martiniquais et 95% des Guadeloupéens sont contaminés par le chlordécone et cela sur plusieurs générations, selon une enquête de Santé Publique France, publiée en 2018.

 

L’Assaupamar, l’AMSES et Pour une écologie urbaine ont répondu aux différentes questions des juges lors d’une audition qui aura duré 5 heures? ce mercredi 20 janvier 2021. Elles sont ressorties assez remontées du tribunal car , elles ont appris entre autres : que certaines preuves du dossier avaient disparu, des bordereaux de dédouanement prouvant l’acheminement en 2005 du pesticide en Martinique demeurent notamment introuvables. D’autre part, les juges ont aussi évoqué la prescription de l’action en justice.

Pour Pascal Tourbillon, représentant de l’Assaupama : « Cela fait 14 ans qu’on a déposé plainte, et on nous dit maintenant qu’il y a prescription, mais cette lenteur n’est pas de notre fait »

Louis Boutrin, l’avocat pour l’association Pour une écologie urbaine, lui, a une autre lecture : il dénonce la prescription et demande que l’instruction soit close au plus vite afin que la justice puisse procéder aux mises en examen. Selon lui, la justice a aujourd’hui suffisamment d’éléments pour le faire.

Le lendemain, même topo au tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, mais il n’y a pas encore de non-lieu. Guadeloupéens et Martiniquais doivent comprendre que le combat pour la justice et la vérité n’est pas terminé.

Les avocats des plaignants n’ont pas encore baissé les bras. Ils travaillent à d’autres arguments de droit, notamment la mise en danger de la vie d’autrui, la tromperie, ou l’administration de nuisances nuisibles. Des délits passibles de prison.

 

COMMUNIQUÉ DE L’ASSAUPAMAR
ASSAUPAMAR
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Les producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique, réunis au sein de l’Union des groupements de producteurs de bananes (l’UGPBAN), s’étaient  portés partie civile dans l’affaire de la chlordécone depuis 2013. Aujourd’hui, ayant fait partie de l’audience du mercredi 20 janvier, rappellent, par voie de communiqué que son représentant a manifesté fermement son opposition au fait que  les juges pourraient envisager de clore leur instruction par un non-lieu, affirment partager l’indignation soulevée par l’annonce d’un éventuel non-lieu, ainsi que celle de la perte inacceptable de certains éléments de l’enquête, et appellent les autorités publiques à tout mettre en oeuvre pour que la justice puisse continuer son travail de recherche active de la vérité.

 

Le collectif des ouvriers empoisonnés par les pesticides est également en colère depuis hier de la situation annoncée aux parties civiles. Tous craignent qu’un non-lieu soit prononcé, mais il ont déjà averti qu’ils iront jusqu’à la Cour européenne si besoin. Pour Robert Sae, qui fait partie du groupe enquêteur du collectif, il y aurait une volonté d’étouffer l’affaire :

« C’est une dissimulation plus qu’une disparition, et l’argument de prescription est irrecevable car il s’agit d’un crime contre l’humanité » 

Une délégation du collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides a été reçu ce mercredi 27 janvier à L’Elysée. « Ils nous ont écouté poliment », affirme un membre de cette délégation qui indique que le collectif est dans « une phase de lobbying » pour présenter ses revendications.

 

 

Par courrier en date du 21 janvier 2021, le président du Conseil Exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, Alfred Marie-Jeanne alerte le Président Macron en lui précisant entre autres qu’il a appris avec stupeur que la procédure mise en place depuis quinze ans , pour empoisonnement à la chlordécone, à fait l’objet d’une manipulation inadmissible et voire même d’un déni de justice inacceptable et qu’il lui appartient d’intervenir  en tant que Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les Martiniquais et les Guadeloupéens reçoivent, dans cette affaire, un traitement équitable, le soutien de l’Etat et une réponse proportionnée aux préjudices subis

Le député LFI, François Ruffin, interpelle, par un courrier en date du 26 janvier, Jean Castex sur le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique et en particulier de ces scandales géants, emboîtés comme des poupées russes : le chlordécone aux Antilles. « Le premier scandale est sanitaire, évidemment : pour la culture de la banane, ce poison fut répandu sur les îles durant des décennies, la terre en est pourrie : l’INSERM juge que sa disparition sera effective dans cinq siècles. Les corps en sont touchés : le chlordécone a contaminé 90% de la population antillaise.

Le second scandale est judiciaire. En 2006, plusieurs associations guadeloupéennes et martiniquaises ont déposé plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « empoisonnement ». Et que fait la justice depuis quatorze ans ? Rien. Pas grand-chose. Elle laisse mourir le dossier. De sorte que cette plainte, déposée il y a quatorze ans, risque la prescription… faute de véritable instruction ! Magnifique manière d’enterrer un dossier gênant…

 » Le président de la République et le gouvernement doivent peser pour que justice soit faite, pour qu’un procès ait lieu, pour que la vérité soit établie. Et non pour cacher cette vérité, pour empêcher un procès, pour empêcher la justice – comme on peut aujourd’hui le soupçonner. »

Ce samedi  30 janvier, une manifestation ayant pour but de réagir au probable non-lieu attendu  dans la plainte pour empoisonnement  au chlordécone, était organisée aux abords du ministère des outre-mer par entre autres DJ Willer, DOM Connexion et Nasyon Matinik.
A noter la présence de la combattante Anicia Berton.

 

Par le biais de son secrétaire général Gabriel Jean-Marie, la CGTM, dénonce fermement ce qu’elle qualifie de « véritable tentative de hold-up de la justice coloniale et de l’État français sur la santé et même la vie de plus de 90% de la population de Martinique et de Guadeloupe ». « Cette tentative méprisable de hold-up est opérée dans un seul but : empêcher que n’éclate la vérité, protéger les gros planteurs-empoisonneurs, l’État qui les a protégés et ceux qui se sont mis à leur service », Elle entend « poursuivre la lutte pour que les ravages occasionnés par l’usage frauduleux de ces produits soient réparés par l’État et pour que les pollueurs empoisonneurs soient les payeurs ! »

Les élus du conseil municipal du François ont voté, à l’unanimité, une motion alertant contre un non-lieu annoncé dans l’instruction du dossier dit de la chlordécone. Les élus ont rappelé notamment les conséquences exceptionnelles de l’empoisonnement des sols et de la population tout en demandant que les responsabilités soient enfin établies et que la justice pose de vrais actes de réparation. Ils y voient les conditions sereines et partagées d’un authentique développement durable de la Martinique.

Dans un communiqué commun, les MIR (Mouvement International des Réparations) de Martinique et de Guadeloupe, mais aussi le CIPN (Comité International des Peuples Noirs) s’insurgent contre la possibilité d’un non-lieu. Pour eux, il ne peut n’y avoir « aucune prescription dans cette affaire ». Ils dénoncent le lobbying exercé, à l’époque, par les planteurs békés et constatent que « l’hécatombe est terrible chez les ouvriers agricoles ».

Les trois partis, appelant à « la mobilisation de l’ensemble des forces vives du pays », exigent « que les auteurs de ces crimes contre l’humanité rendent des comptes et soient condamnés ».

 

Pour organiser la riposte contre le risque de non-lieu dans le procès de l’empoisonnement des Martiniquais et Guadeloupéens au chlordécone, une vingtaine d’organisations syndicales, associatives, politiques et écologistes se sont réunies à la Maison des syndicats, à Fort-de-France ce jeudi 28 janvier 2021. Au final, elles ont décidé d’appeler à une grande manifestation populaire et unitaire le samedi 27 février.

Une réunion de préparation est prévue ce jeudi 4 février à 18h, à la Maison des syndicats.

Au-delà de l’objectif de construire un plan qui réponde aux besoins de la population et qui l’accompagne dans tous les domaines impactés par la pollution, l’ambition est aussi de réaliser un travail commun – Etat, collectivités locales et société civile – pour protéger au mieux la population antillaise de cette pollution environnementale durable et prendre en charge tous ses impacts.

Ce nouveau plan chlordécone IV (2021-2027) comportera six stratégies permettant de couvrir l’ensemble des enjeux et priorités pour la population, dans le cadre d’une gouvernance interministérielle renforcée tant au niveau local que national. Vous avez la possibilité de participer par territoire, sur chacune des six stratégies, afin de réagir, voter et argumenter.

Des permanences en mairies sont organisées sur les deux territoires afin de vous permettre de consulter le document de synthèse des orientations du plan chlordécone 4, d’échanger avec un délégué à la consultation et consigner vos observations dans un registre dédié.

Le programme :

– Jeudi 19 novembre : Lancement de la consultation publique.
18 décembre 2020 : Fin de la consultation publique.
Fin décembre 2020 : Rédaction de la synthèse des avis et commentaires.
Début janvier 2021 : Publication sur la plateforme de la synthèse.
Fin janvier 2021 : Validation du Plan Chlordécone IV

 

L’équipe du CNRS a réalisé une étude baptisée “Preuve de la résurrection du chlordécone par le glyphosate”. Les scientifiques ont prélevé des échantillons de sédiments, appelé “carotte de sédiment” du milieu marin proche de l’embouchure des cours d’eau des zones étudiées.

Cette méthode a révélé, entre autres, que la teneur en chlordécone des échantillons remonte très fortement à partir des années 2000 jusqu’à atteindre des taux 10 fois supérieurs aux concentrations datant de l’époque où l’usage de la molécule toxique était autorisé.  

Selon cette étude menée par des scientifiques Français, dont les conclusions ont été publiées dans la revue Environmental Science and Technology, l’utilisation du glyphosate dans les cultures locales favorise l’érosion des sols et la libération de la chlordécone qu’ils retiennent. 

 

Les élus de l’Assemblée de Martinique réunis en séance plénière, le 5 Février 2021 :

  • s’interrogent sur les conditions d’instruction de cette procédure dans le fond et dans la forme.
  • Apportent leur soutien plein et entier aux parties civiles/victimes qui s’insurgent face à cette forme d’expression de la justice, non conforme aux fonctions et principes qu’elle est censée incarner, notamment en termes de recherche de la vérité, d’équité et de protection des personnes les plus fragiles
  • Réaffirment leur volonté de soutenir et accompagner toutes les démarches visant à établir les responsabilités dans ce scandale sanitaire, faire reconnaître et réparer les préjudices subis par la population Martiniquaise, du fait de l’utilisation criminelle de la chlordécone sur notre territoire ;
  • Invitent les élus de Martinique ainsi que l’ensemble du peuple Martiniquais à soutenir cette démarche.

 

«Par arrêté du Premier ministre, du ministre des Outremer et du ministre des Solidarités et de la santé en date du 4 février 2021, Mme Edwige Duclay, agente contractuelle, est nommée directrice de projet (groupe I), chargée de la coordination du plan chlordécone IV auprès du directeur général des Outre-mer et du directeur général de la Santé, à l’administration centrale des ministères sociaux, à compter du 5 février 2021, pour une période de deux ans, avec une période probatoire de six mois ».
Edwige Duclay est ingénieure agronome spécialisée dans la protection de la santé humaine face aux atteintes environnementales depuis une vingtaine d’années.

 

Suite à la classification pour près de 23 ans des éléments d’enquête sur l’empoisonnement au chlordécone le Président de la commission d’enquête parlementaire, le député Serge Letchimy a saisi par un courrier en date du 29 janvier 2021, Richard Ferrand, Président de l’Assemblée nationale pour demander à ce que soient remis aux magistrats enquêteurs et aux parties civiles, toutes les archives du ministère de l’Agriculture, en rapport avec l’utilisation de ces pesticides en Martinique et en Guadeloupe.

En réponse du 10 février, le Président Richard FERRAND indique au député que “les documents d’archives de l’Assemblée ne peuvent en sortir qu’en vertu d’une décision du Bureau,” composé du Président, des Vice-présidents, des Questeurs et des Secrétaires de l’Assemblée nationale.

Il revient donc aux magistrats instructeurs de formuler une demande officielle auprès du Bureau de l’Assemblée nationale.

 

Des médecins du travail, des professeurs de médecine, des toxicologues, des épidémiologistes, des hygiénistes du travail, des ergonomes, des juristes du droit social : ce sont tous ces experts qui travaillent avec Henri Bastos, directeur adjoint à la santé travail au sein de la direction d’évaluation des risques à l’agence nationale pour la sécurité sanitaire, pour l’élaboration du rapport.
Car malgré certaines études qui tendent à  prouver le lien entre le chlordécone et le cancer de la prostate, cela n’est   pas encore officiellement reconnu par l’Etat français. 

Ce rapport qui est dans sa phase finale, sera donc soumis à l’Etat français et servira d’outil pour prendre la décision de créer ou non un tableau de maladies professionnelles.