Occupation partielle de la distillerie JM

Comme prévu le procès des quatre militants poursuivis pour violences et dégradations à la distillerie JM, les 12 et 13 février dernier, s’est ouvert aujourd’hui 24 mars 2021 par une requête de remise en liberté de deux des prévenus, Lulu et Volkan, placés en détention provisoire depuis le 4 mars dernier « pour prévenir la réitération des faits et éviter les pressions sur les victimes » avant l’audience.

Pour maître MONOTUKA : « Leur demande de remise en liberté le temps du procès est fondée éthiquement et légalement. Les maintenir en détention serait une humiliation et une injustice imposée non seulement à eux, mais à tous les Martiniquais. »

Le ministère public, par la voix de Pierre-Yves Marot rejette cette demande en raison de faits d’une gravité exceptionnelle et au regard de l’intégrité des témoins.

Après 45 minutes de délibéré, le président du tribunal choisit de suivre les réquisitions du ministère public, afin d’éviter le renouvellement d’une infraction et la pression sur les témoins le temps du procès. Puis le président du tribunal rappelle les faits qui sont survenus les 12-13 février à la distillerie JM. Les manifestants, au nombre d’une quinzaine, sont arrivés le vendredi 12 février dans l’après-midi. Ils auraient demandé à rentrer dans la boutique, en forçant le passage et en actionnant des vannes, puis auraient débouché des bouteilles tout en requérant la signature d’un document. « On a eu droit au chant, à des insultes en créole et des menaces.
Le président a aussi évoqué la journée du 14 Février, à travers le procès-verbal d’un ouvrier de la distillerie, qui s’était rendu à la gendarmerie de Trinité pour témoigner des faits de la veille et de l’avant-veille. Ce dernier aurait été empêché d’y entrer par deux militants qui lui auraient tiré le bras, et aurait été la cible d’un jet de pierre. Des faits qui lui ont valu 3 jours d’ITT.

« Ce sont des mensonges ce que vous avez lu. Cette personne n’a reçu aucune pierre », retorquait Lubert tout de noir vêtu avec un bandana rouge-vert-noir accroché à la nuque . C’était ensuite au tour de Kévin qui comparaissait libre pour avoir porté un coup de poing à une militaire lors de la confrontation avec les forces de l’ordre le 12 février, de faire sa déclaration : « Je n’ai donné de coup à personne. On dit que c’était un coup à l’arcade, mais elle n’avait pas de marque. C’est dommage de constater que plus la vie avance, plus l’injustice devient institutionnelle ». etc……..

Le procès se poursuit demain.

Une cinquantaine de militants  s’est déplacée pour soutenir les quatre militants et durant toute la journée, les conques de lambi, les tambours et les chants auront retenti devant un palais de justice cadenassé, où de nombreux membres des forces de l’ordre avaient été déployés.

 

 

Pour cette deuxième journée de procès, le tribunal a écouté les témoins présentés par la défense. Tous ont légitimé l’action menée les 12 et 13 février derniers dans la boutique du Macouba, et le contexte sociétal dans lequel ils auraient agi.

  • Aude Goussard, en préambule de sa déclaration sur les faits, a voulu indiquer des événements historiques marquants de la Martinique. Un passé esclavagiste, et le sentiment d’injustice qui, selon elle, ont engendré les combats de ces derniers mois.
  • Madly Etilé, la mère de Kéziah Nuissier, a tenu le même discours. Ces deux femmes présentes au Macouba ont répété à maintes reprises que la quinzaine de personnes qui s’étaient rendues à la distillerie JM étaient pacifistes. « Ils souhaitaient juste un engagement de la part de la direction« , comme ils l’auraient obtenu lors de précédentes interventions à Depaz ou encore à l’aéroport. Elles considèrent qu’ils étaient dans leur bon droit de demander le retrait du drapeau des quatre serpents. Elles expliquent que des bouteilles de rhum ont été débouchées car les bouchons portaient les mentions litigieuses, que les militants n’avaient pas porté de coups sur place, et avaient à plusieurs reprises fait redescendre la pression en discutant avec le personnel.
  • Pendant plus d’une heure et demie, un historien a évoqué l’esclavage, le bumidom, la domination économique des békés, les statues de Victor Schoelcher ou encore l’empoisonnement au chlordécone. Des éléments catalyseurs qui expliqueraient la démarche des militants aujourd’hui et leur sentiment d’injustice.
  • Fola Gadet,l’universitaire a eu des mots forts pour planter le décor : « Ceux qui parlent fort sont muselés. Nos parents nous ont éduqués à ne pas dénoncer des choses. On a un sentiment de crime impuni. ». Il est revenu sur l’existence de deux mondes en Martinique : les békés dominants et les noirs. Le nom de Bernard Hayot a été répété plusieurs fois, et Fola Gadet affirme que l’homme d’affaire martiniquais devrait rendre des comptes. Il dit avoir espoir que Bernard Hayot change, car « la Martinique assiste à une lutte des pouvoirs actuellement, sur le petit territoire qu’est l’île« .
  • Après les visionnages de plusieurs vidéos des scènes du jour des dégradations à la distillerie JM au Macouba, les prévenus sont revenus à la barre.

Puis les plaidoiries ont débuté et maître Renar-Legrand a demandé à ce que le tribunal se recentre uniquement sur les faits.

Les réquisitions du procureur de la République sont claires : plusieurs mois de prison ferme à l’encontre des prévenus : concernant Hugues Baspin, quatre mois de prison ferme sont requis, avec une possibilité d’aménagement de peine. Pour Kévin Zobal, 12 mois dont 7 avec sursis probatoire pendant deux ans et l’interdiction de se rendre sur les lieux. Pour Bruno Pelage, le procureur demande 15 mois dont 9 avec sursis probatoire et maintien en détention. Pour Lubert Labonne, 16 mois dont 8 avec sursis probatoire et maintien en détention sont requis.
Les plaidoiries sont encore en cours et un verdict devrait être prononcé dans la nuit. Durant la plaidoirie de maître Monotuka, l’alarme d’incendie du tribunal a retenti. En effet il a commencé sa plaidoirie, il lui restait encore un peu plus d’une heure de plaidoirie et il a été coupé dans son élan par la sirène du tribunal qui s’est mise en marche. Il y avait de la fumée à l’intérieur du tribunal qui émanait d’un feu allumé à la porte d’entrée du grillage. Cela a créé une situation très exceptionnelle qui perturbait la sérénité des débats et les avocats ont demandé le renvoie de l’affaire considérant que les circonstances ne permettaient plus que les droits de la défense soient respectés.  Alors même que la jurisprudence est assez claire sur ce point, le tribunal s’est retiré et revenu pour dire   qu’il maintenait l’audience et donc les avocats ont décidé de quitter la salle d’audience.

Quatre peines de condamnation avec sursis 

Le verdict est tombé dans la soirée : 4 mois de sursis simple pour H. Baspin, 12 mois de sursis dont 7 de sursis probatoire pour K. Zobal, 12 mois de sursis probatoire pendant 2 ans pour B. Pelage et 14 mois de sursis probatoire pendant 2 ans, pour L. Labonne.